Le premier est d’ordre judiciaire : le Conseil Constitutionnel vient de valider, même si il l’a assortie de mesures qui en rendent l’application différée, voire difficile, la loi sur la rétention de sûreté. « On passe, dit Robert Badinter dans le journal le Monde, d’une justice de responsabilité à une justice de sûreté » où « une personne sera enfermée non plus pour les faits qu’elle a commis mais pour ceux qu’elle pourrait commettre ». Ici, les meilleures intentions, d’ailleurs exprimées pour justifier la loi, sont la dangerosité supposée et la récidive possible de certains détenus, alors qu’en l’état actuel de l’administration pénitentiaire, les structures médicales et psychiatriques mises en place pour traiter sont inexistantes ou presque. On reste dans le surveiller et punir exclusif indigne en l’état d’une société démocratique aboutie.

Le deuxième événement est d’ordre administratif. Le Secrétaire d’État à l’Outre-Mer a déclaré le vendredi 22 février sur France 2 à propos de Mayotte : « Nous pourrions prendre une décision exceptionnelle qui fasse que tout enfant né de parents en situation irrégulière ne puisse plus réclamer son appartenance à la nationalité française ». On pourrait être plus précis, c’est nous qui l’ajoutons, nous pourrions remettre en cause le droit du sol. Les meilleures intentions sont là de protéger de l’immigration des régions particulièrement sensibles en brocardant l’un des principes essentiels et fondement de la citoyenneté républicaine, le droit du sol, alors que ne sont mises en œuvre, ni même évoquées, des mesures d’accompagnement d’aide politique et économique vis-à-vis de la Fédération des Comores. Faut-il rappeler que ce type d’immigration ne se fait jamais pour des raisons de confort mais de survie et que la République devrait être attentive à la dignité humaine avant que d’envisager des mesures techniques indignes et inefficaces mais qui rassurent certains d’entre nous à l’extrême-droite de l’échiquier politique surtout.

Le troisième événement est d’ordre bioéthique. La Cour de Cassation a rendu le 6 février un arrêt jugeant qu’un fœtus né sans vie peut désormais être déclaré à l’état-civil quels que soient son poids et la durée de la grossesse. Les meilleures intentions sont encore de répondre à l’émotion, bien légitime peut-être, mais peut-être aussi non dénuée d’arrière-pensée pratique, de couples qui veulent faire reconnaître l’existence juridique de leur fœtus mort-né. Sans entrer dans le discours indispensable sur la reconnaissance du deuil et du travail qui s’en ensuit, il faut rappeler que la loi (circulaire du 30 janvier 2001) permet la déclaration à l’état-civil d’un mort-né à partir de 22 semaines (4 mois et demi de grossesse) ou si le poids est supérieur à 500 g. Le chiffre est arbitraire mais validé par l’O.M.S., mais ce problème peut remettre en cause non seulement la loi sur l’I.V.G. (autorisée jusqu’à 14 semaines), qui porterait alors atteinte à la vie d’un être socialement reconnu mais conforter un certain nombre de fondamentalistes religieux qui s’opposent à toute recherche médicale sur les embryons in vitro.

Pour conclure, certains peuvent croire à un acharnement du Grand Orient de France contre le pouvoir en place à en juger par le nombre et le poids de nos prises de position, mais notre inquiétude est fondée plus sur le climat social que sur le comportement de dirigeants qui ont été élus par une population politiquement adulte et avertie. Bien que nous soyons dans une période électoralement sensible, nous nous devons de jouer notre rôle de corps intermédiaire de réflexion citoyenne et de sentinelle de la République. En rappelant les fondamentaux, nous ne jouons aucun rôle partisan. L’histoire a montré que le silence pouvait s’apparenter à de la compromission.

A cet égard, le Grand Maître et une délégation du Conseil de l’Ordre a rencontré la Garde des Sceaux pour lui faire partager nos vives inquiétudes quant à l’évolution de la politique judiciaire. Par ailleurs, une délégation d’Obédiences maçonniques, dont le Grand Orient de France, devrait être reçue prochainement par le Président du Conseil Constitutionnel.

Alors que dans notre pays les emplois précaires se multiplient, la pauvreté stagne ou augmente, le droit au logement est bafoué, et d’autres atteintes à la dignité de l’homme sont négligées, nous ne sommes pas dupes d’effets d’annonce qui pourraient masquer la réalité. Nous resterons vigilants et les dénoncerons encore.